Les Irlandais et Écossais ont plusieurs points communs. Ils parlent anglais, ont une relation compliquée avec l’Angleterre et le sentiment d’avoir inventé le whisky (il y a pas mal de désaccord pour sa paternité). Aujourd’hui encore, ce sont les principaux producteurs. Mais il y a encore un point commun qui lie ces deux pays si différents et pourtant si proches, ils en ont vraiment chié au 19eme siècle.

Entre 1815 et 1914, c’est près de 40% de la population qui fuit l’Écosse (soit 2 millions de personnes à l’époque). Les raisons ? Des salaires bas, une famine qui pointe son nez mais aussi une volonté très forte d’aller voir ailleurs chez ce peuple. Les historiens, encore aujourd’hui, appellent ce phénomène le “paradoxe écossais”. Les destinations sont multiples mais l’on parle d’un Nouveau Monde qui semble prometteur pour qui travaille dur et à ce jeu là, les paysans des Highlands n’ont pas de leçons à recevoir.
 
En Irlande, le constat est pire. La Grande Famine de 1845 frappe. C’est l’une des plus dévastatrices de tous les temps. En cause, ​​le mildiou, un champignon qui rend la pomme de terre impropre à la consommation. Ingrédient alors de base de leur alimentation, la population n’a d’autre choix que de quitter le pays direction les États-Unis, un spot assez tentant pour un nouveau départ. Après tout les Écossais l’ont bien fait.

La vie aux États-Unis

Quand on est un colon écossais-irlandais qui découvre les États-Unis, on se retrouve face à plusieurs choix une fois débarqué à Philadelphie. Rester là et vivre de larcins ou prendre la route direction la Pennsylvanie puis le Tennessee et enfin le Kentucky. La particularité de ce dernier est d’être recouvert de prairies ou le maïs pousse à merveille.

Le maïs c’est cool on peut faire plein de trucs avec mais quand les colons, souvent ex-agriculteurs, le découvrent, eh bien ils se sentent un peu perdus eux qui ont plus l’habitude de l’orge. Les premiers essais pour distiller le maïs ne tardent pas, comme cette eau-de-vie n’est pas du whisky il faut lui donner un nom, ce sera : Bourbon, le nom du comté lui-même baptisé ainsi en hommage à Louis XVI qui a bien aidé les Américains pour leur indépendance. On attribue le choix de ce nom à Elijah Craig, un révérend américain d’origine écossaise avec un don pour la distillation. Nom que l’on retrouve dans une gamme de bourbon de la distillerie Heaven Hill.

Petit fact en passant, on parle couramment de American Whiskey pour englober les Bourbons et autres déclinaisons. Vous noterez le “E” dans la façon d’écrire whiskey. Une orthographe que l’on retrouve sur les bouteilles irlandaises et qui insinuerait que c’est ce peuple qui est à l’origine du Bourbon.

Qu’est ce qui caractérise le Bourbon ?

Le bourbon peut-être produit en dehors du Kentucky et du Tennessee (même si 95% de la production vient de là) mais il doit respecter certaines règles :

  • Il doit être composé d’au moins 51% de maïs. Le reste c’est souvent du seigle, de l’orge voire du blé. Le mélange qui en résulte est appelé mashbill et les proportions génèrent des styles différents : Rye whiskey = 51% au moins de seigle Corn whiskey = 80% au moins de maïs Tennessee whiskey = filtré pendant 10 jours sous 3m de charbon pour un rendu plus fumé, sec (le plus connu, le Jack Daniel’s)
  • Son vieillissement est exclusivement dans des fûts de chêne blanc neufs noircis à la fumée
  • Il doit être produit sur le sol Américain (loi adoptée en 1964)
  • Le vieillissement est sujet à débat. Si toutes les conditions ci-dessus sont respectées, on parlera d’un Straight Bourbon pour un vieillissement de 2 ans, si un âge est précisé sur la bouteille et qu’il s’agit d’un blend on mentionnera le jus le plus jeune (comme pour le whisky). 
  • Il doit être distillé à un maximum de 80% alc./vol (160 proof)
  • Il doit être, comme les autres whiskies, embouteillé à 40% alc./vol. (80 proof) ou plus
  • Il doit entrer en barrique pour le vieillissement à un maximum de 62,5% alc./vol.(125 proof)

Néanmoins, le bourbon reste un domaine bien plus vaste qu’il n’y paraît. Je m’explique. S’il est vrai que l’écrasante majorité des bourbons sont produits dans le Kentucky, l’appellation ne concerne pas spécifiquement cet État. Un whiskey qui vieilli dans un autre État que le Kentucky sera, certes, lui aussi dans un fût neuf, mais le climat autour ne ressemblera peut-être pas à celui du Kentucky et le goût final du bourbon ne sera donc pas le même. Il existe une autre variation intéressante dans le bourbon, la proportion de maïs. S’il faut 51% minimum pour appeler ça bourbon, on peut très bien en mettre 60%, 70% voire 100% comme dans le Hudson. Pour bien explorer ce monde, essayez de goûter des bourbons de différents États des États-Unis mais aussi différentes proportions de maïs pour découvrir les petites subtilités.

Ça a quel goût ?

Le fait de n’utiliser QUE des fûts neufs donne des caractères très différents des traditionnels scotchs et whiskey irlandais. Des notes communes aux Bourbons vous permettent cependant de vite les identifier (même à l’aveugle pour les plus aguerris). Je vous conseille d’ailleurs cet article sur le nez du bourbon pour aller plus loin.

  • Vanillé, boisé et floral pour les plus jeunes 
  • Miel, épicé, caramel pour les moyens (8 ans)
  • Bois très présent et vanille pour les vieux (12-18 ans)

Merci au copain Yoann pour sa relecture et son expertise.