Glen Scotia 15yo, le whisky ça prend du temps

Connue comme étant la troisième distillerie de la région de Campbeltown, Glen Scotia, est ce que l’on peut appeler une rescapée. Son passé, pour le moins mouvementé, n’a pas épargné la distillerie de la péninsule de Kintyre. Ouverte en 1832 (date que vous retrouverez sur toutes les bouteilles) puis fermée à de nombreuses reprises, elle nous propose aujourd’hui un tout nouveau visage avec une gamme fraichement relookée.

Glen Scotia, l’art du temps qui passe

Pour se faire une place entre Glengyle et Springbank (appartenant toutes deux à la famille Mitchell), Glen Scotia a dû trouver un positionnement fort. C’est dans l’âge de sa gamme que la distillerie à décidé de miser. En effet, hormis leur Double Cask, leur Victoriana et quelques éditions spéciales, vous ne trouverez rien de plus jeune que ce 15 ans d’âge, un viellissement plutôt avancé dans le monde du whisky. Proposant jusqu’à des 45 ans d’âge, la distillerie prend à contre-pied un marché qui tend à proposer de plus en plus de N.A.S. (non-age statement ou embouteillages sans-âge) pour leurs « entrées de gammes ».

Si on ne connait pas les quantités de production de la distillerie on peut facilement en déduire qu’ils ont pas mal de fûts en réserve et que les propriétaires successifs ont géré ce parc avec attention.

Glen Scotia 15yo 46°

Il aura donc fallu 15 ans d’attente pour déguster cette expression. Quinze longues années passées dans des fûts de chêne américain, stockés dans des chais à ciel ouvert, en contact direct avec les embruns de Campbeltown. Ce côté marin et salin on le ressent bien dès l’ouverture de la bouteille. C’est frais et vivifiant. Son âge « avancé » aurait pu laisser envisager des notes boisées et épicées profondes mais c’est bel et bien l’iode qui vient, en premier, titiller les sens. Une fois dans le verre, aération faite, on se retrouve avec un scotch bien plus complexe. Des notes de tabac, de cuir et de bois font leur apparition. Les whiskies de Campbeltown font souvent penser à l’odeur de la pluie (qui se dit « pétrichor » en passant) et c’est un peu le sentiment que l’on ressent de prime abord. Une légère fumée froide fait son apparition en arrière-plan et ce côté boisé du début se transforme doucement en notes plus suaves de fruits cuits, de marmelade… J’ai l’impression de déguster un Port Cask, c’est très agréable.

Si je me suis attardé sur le nez de ce whisky c’est parce qu’il s’agit du point fort de ce whisky. La suite de la dégustation est, selon moi, moins complexe que le nez. Un corps très soyeux introduit des notes terreuses, sèches et âpres. C’est surprenant et j’ai du reprendre une gorgée (quel dur travail) presque immédiatement tant elle est passée vite. À y revenir, on y décèle toujours ce côté tabac-fumée froide accompagné cette fois de fruits secs et de figues.

L’alcool est assez présent malgré un taux à seulement 46° ce qui donne une finale sèche, courte et un peu astringente. Peu de choses supplémentaires à dire sur ce jus qui, vous l’aurez compris, à un nez incroyable. En tout cas, cela donne envie de découvrir le reste de la gamme et d’explorer cette région si importante dans le monde du whisky.

Distribué par Whiskies du monde.

Glen Scotia, la distillerie qui revient de loin

Raconter l’histoire des single malts de Glen Scotia, c’est un peu comme lire une pièce de théâtre en plusieurs actes. D’abord fondée en 1832, la distillerie n’a depuis eu de cesse de fermer puis réouvrir pour de multiples raisons. Focus sur l’un des trois derniers producteurs de whisky de la péninsule de Kintyre.

Campbeltown, le Pompéi d’Écosse

Plantons le décor, au début du XX ème siècle, pas moins de 34 distilleries avaient pignon sur rue dans l’ancien Bourg royal. Cette forte concentration et la facilité d’accès à des ingrédients de qualité nécessaires à la distillation ont vite élevé la ville au rang de capitale incontestée du whisky écossais, loin devant les autres régions du pays. S’en suit un fâcheux concours de circonstances. La prohibition puis la Grande Dépression ont brusquement bouleversé le marché mondial du whisky. Plus de demandes et donc plus de ventes. Ajoutez à cela une stratégie de production orientée sur les volumes et non la qualité et voici toute une industrie qui flanche.

En 1929, seulement trois distilleries tiennent encore debout, c’est le cas de : Scotia, Springbank et Ri-Clachan. Cet équilibre précaire prend fin pour Scotia le 20 mars 1930, date à laquelle le dernier alambic cessa alors de fonctionner. Seulement 4 ans après leur fermeture, la distillerie se trouve rachetée par les frères Bloch qui la rebaptise : Glen Scotia.

La règle de trois

Cette même année 1934 marquera une nouvelle fermeture, celle de Ri-Clachan. Glen Scotia sera alors l’une des deux dernières distilleries de Campbeltown. Le problème quand il n’y a plus que deux distilleries dans une région en Écosse, c’est que l’on perd le statut de « whisky-producing region » et que l’on ne peut plus, de fait, exporter ses produits.

S’en suit une période de fermeture et de ré-ouverture plutôt longue pour la désormais nommée Glen Scotia qui rouvrira finalement ses portes en 1989 avec un nouveau rachat (par les Gibson). Pendant ce temps, Springbank tient la barre et se retrouve à de nombreuses reprises la seule distillerie de Campbeltown (quand elle même ne se retrouve pas fermée).

En 2000, Glengyle rallume ses alambics portant enfin le compte à trois distilleries (le nombre minimum) rendant ainsi le statut de région productrice à Campbeltown. Notons qu’entre 1989 et 2014, Glen Scotia menacera de couler à de nombreuses reprises menaçant à nouveau l’équilibre de la région. Il faudra l’aide, et une sorte de « mise sous tutelle », de Springbank (encore eux) pour aider la distillerie à survivre.

Des jus de caractère

Située entre l’ile d’Arran et Islay, la péninsule du Kintyre, où est situé Campbeltown, est entourée par la mer. Les distillats qui y sont produits séjournent dans des chais à ciel ouvert, en contact direct avec les éléments. Pas étonnant donc de retrouver ce caractère iodé, même subtil, dans les bouteilles de la ville.

Mais là ou la région se distingue des autres parties de l’Écosse que sont les Lowlands, Highlands, Speyside, Islay (on pourrait rajouter aussi les « Islands ») est de par la présence de tourbières de compositions très distinctes de celles d’Islay. Moins médicinales que dans un Laphroaig et moins goudronnées que dans un Ardbeg, les notes tourbées des Springbank et autres Kilkerran sont plus suaves, chaudes et abordables. J’y retrouve personnellement un côté tabac, cuir voir viande à barbecue très identifiable.

Certains emploient même le qualificatif de « pétrichor » (ou l’odeur de la pluie) pour désigner les whiskies de cette région. Une sensation fraiche et musquée. Vous me direz si ça vous parle 🙂

Glen Scotia de nos jours

Depuis 2014, la « multi-rescapée » Glen Scotia évolue sous le giron d’un nouveau propriétaire (également en possession de la distillerie Loch Lomond) qui tend à redorer le blason du whisky de Campbeltown à grands coups d’investissements. Tout y passe, de la rénovation des alambics à l’optimisation des procédés de distillation, Glen Scotia fait peau neuve et propose désormais une gamme éponyme qui ne cesse de s’étoffer. Les différentes expressions se complètent par des vieillissements en fûts d’exception (bourbon, sherry, récemment ex-Bordeaux) et des comptes d’âge vertigineux (jusqu’à 45yo).

Où les trouver ?

Toute la gamme est distribuée par Whiskies du monde