Fettercairn, la distillerie de l’ombre

Au nord-est de l’Écosse, dans la région des Highlands, non loin de la grande ville d’Aberdeen, se situe le village de Ramsay. Un village oublié mais dont le nom fait référence à un illustre personnage du whisky, Sir Ramsay. Un homme d’affaire à l’origine de la distillerie du jour, Fettercairn. Si ce nom ne vous dit rien, il s’agit pourtant de la deuxième plus ancienne distillerie d’Écosse à produire du whisky (légalement). Focus sur un whisky pas comme les autres !

Crédit Comptoir Irlandais

De l’ombre à la lumière

Dans le début des années 1820, Sir Ramsay, véritable touche-à-tout, décide de s’intéresser au monde du whisky. Ce philanthrope, qui n’y connait rien en distillation, fait le choix de s’associer à des distillateurs illégaux. Ces hommes produisent en effet dans l’ombre et dans l’illégalité la plus totale du whisky depuis l’interdiction en 1756.

La raison de cette interdiction ? Une récolte très mauvaise cette année là et qui risque d’engendrer une famine dans les Highlands. On décide de privilégier manger plutôt que boire et les céréales sont consignées à cet usage. Les années passent et les contours de cette loi s’estompent. Si la délation de distillateur est récompensée (certains dirigent même les autorités vers leurs propres installations pour s’en acheter de nouvelles avec la prime) elle devient vite marginale puis abandonnée. À la même époque dans les Lowlands (une autre région d’Écosse), la production de whisky connait un essor fulgurant et permet à de nombreuses familles de s’en sortir. Fort de ce constat, les Highlands changent de cap, encourageant même la production dès 1784 avec le Wash Act qui allège les taxations mais interdit toujours l’export du whisky produit en-dehors de la région. S’en suit quelques années de distillation sous le manteau pour arriver enfin, en 1824, date de l’obtention de la licence de production passant Fettercairn dans la légalité.

Sir Ramsay a désormais le droit de produire du whisky. En plus du morceau de papier qui l’atteste et de ses distillateurs à nouveau respectables, la localisation des alambics de la distillerie est idéale. L’eau de la rivière qui arrive directement des Monts Cairngorms est d’une qualité exceptionnelle et aura une incidence remarquable sur l’avenir de la distillerie.

Fettercairn, la distillerie H2.O

L’eau chez Fettercairn c’est un peu comme la moustache de Mario, un élément indissociable qui différencie un personnage culte d’un simple plombier. Utilisée par la distillerie Fettercairn comme ingrédient dans la production du whisky, elle l’est également pour refroidir le cuivre (via des anneaux de refroidissement) en vue d’augmenter la condensation dans l’alambic et ainsi récupérer les plus fines vapeurs lors de la distillation. Ce processus, unique en Écosse, permet de réduire, de fait, les particules plus « grosses » (par opposition) et d’offrir à la marque des jus très différents. L’eau-de-vie ainsi produite (ou new make) est l’une des plus fines et des plus fruitées d’Écosse. On parle souvent de fruit-bomb pour les désigner.

La salle des alambics (ou still room) affiche, de par ce procédé, un beau 40° toute l’année et un taux d’humidité proche de 100%. On compare souvent ce lieu lors de la visite à un hammam.

La pépite des Highlands

Mais alors pourquoi ne connaissons-nous pas ou peu cette distillerie. Avec sa production de 2.2 millions de litres d’alcool par an, ses 120 tonnes d’orge par semaine, et ses alambics de 12.000 litres on pourrait penser en trouver d’avantage. La réponse réside dans le fait que seul 4% de leur production sort avec l’étiquette Fettercairn (seulement du Single Malt). Les 96% restants étants revendus à d’autres distilleries du groupe (même propriétaire que les maisons Dalmore et Jura) pour la confection de blends (notamment le Whyte and Mackay).

Ces 4% sont cependant bien utilisés et avec pas moins de 32.000 fûts répartis sur 14 entrepôts, les occasions de boire du Fettercairn Single Malt sont quand mêmes nombreuses. La marque s’est fait une solide réputation dans le vieillissement du whisky. Avec comme « entrée de gamme » un 12 ans d’âge (que je vous dévoile juste après) puis vite un 16, 22, 28, 40 et même 50 ans d’âge (en allant sur place vous pourrez même déguster du 53 ou 54 ans d’âge).

Pour découvrir la distillerie, Fettercairn 12yo

Le nez de ce whisky est vraiment surprenant. S’il débute sur des notes de vernis et de cire il évolue rapidement vers la tarte tatin. Un côté ultra-fruité associé à un caramel, du boisé puis un côté frangipane. Ce jus me rappelle beaucoup le Brabazon III de chez Teeling pour celles et ceux qui auront pu le gouter. La surprenante technique de distillation (RDV sur le blog) apporte une finesse incroyable à ce single malt.

Côté texture, c’est une sensation soyeuse presque comme de l’eau minérale sur la langue. C’est surprenant et à la fois très agréable. La dégustation est tantôt vive sur les fruits et le gingembre frais (à l’instar d’un rhum agricole) puis plus sèche et astringente. Le boisé refait son apparition puis les épices comme le curry et le paprika. La finale est courte, un peu terreuse et âpre, peut-être le bémol de ce 12 ans d’âge.

Une superbe dégustation pour ce qui est l’expression la plus jeune de Fettercairn. Le vieillissement en American White Oak (ex-bourbon) rend la fin de dégustation un peu trop sèche à mon goût mais cela doit rapidement s’atténuer sur des jus plus vieux. Rappelons que la gamme s’étend jusqu’au 50 ans (et plus sur place) et une histoire incroyable (toujours sur le blog).

Distribué par LMDW.