L’homme a toujours fait preuve d’une étonnante volonté pour produire de l’alcool. Alors malgré les 40° à l’ombre, que la plante recherchée pique de partout et qu’il faille user de la machette pour accéder à son coeur (qui peut peser entre 30 et 60 kilos), le peuple Mexicain est présent avec la Téquila et surtout le Mezcal (ou mescal, du nahuatl mexcalli [metl + ixcalli], qui signifie « agave cuite au four »), l’un des spiritueux les plus étonnants et les plus en vogue ces dernières années.
Jadis considéré comme l’enfant terrible du Mexique, cette eau-de-vie s’est désormais fait une place de choix aux cartes des plus grands palaces et établissements de luxe. En France, des bars dédiés tels que la Mezcaleria à Paris ont même vu le jour. Partons à la découverte de cet alcool qui pourrait servir de définition au mouvement #craft
Mezcal = Téquila ?
C’est souvent ce que l’on a tendance à entendre. Que ce sont les mêmes boissons avec un goût de fumé en plus pour le Mezcal. C’est vrai, mais la ressemblance s’arrête là :
- La Tequila est produite dans 5 régions (la principale Jalisco) quand le Mezcal peut provenir de 9 (90% de la production annuelle émanant de Oaxaca).
- La Tequila est issue de la distillation d’une seule espèce de plante, l’agave bleue. On trouve des Téquilas 100% agave bleue mais sa présence doit être au minimum de 51% (les 49% restants sont des sucres divers, bouteilles à éviter). Le Mezcal, quant à lui, est 100% agave (ou maguey, l’autre dénomination de la plante), et peut être élaboré à partir de une ou plusieurs variétés d’agaves (on en dénombre près de 30 espèces mais c’est en général un blend de 4 ou 5 espèces en général) comme la Espadin, la Cuishe, … chacune avec ses saveurs distinctives.
- La production de la Tequila est très industrielle avec des méthodes de cuisson communes à beaucoup d’alcools alors que pour le Mezcal cela reste très traditionnel. On cuit à l’étouffé, dans un four à bois sous terre, les cœurs d’agave alors recouverts de pierre et de sable (d’où la notion de « fumé »). Tous les Mezcals ne sont cependant pas fumés.
L’agave, une plante digne d’admiration
Commençons par le commencement, l’ingrédient principal : l’agave. C’est le cœur de la plante qui est recherché pour la production de l’alcool mais les feuilles servaient également à protéger les toits des habitations, les épines (pencas) faisaient office d’aiguilles à tisser ou de clous et les fibres permettaient de tisser des toiles. En tout, c’est près de 200 usages différents qui sont répertoriés (papiers, ustensiles, tissus, …). En même temps, avec une taille pouvant atteindre les 4 ou 5 mètres de haut (c’est le cas de l’agave Tobasiche et Arroqueno) on comprend qu’on lui trouve pas mal d’utilités. Pour arriver à maturité, une agave met entre 7 et 40 ans, pas étonnant que le mot Agave proviennent du grec « digne d’admiration ».
Une réputation sulfureuse colle à la peau du Mezcal et ce pour plusieurs raisons :
- Les films de cow-boy : Le 7ème art à souvent utilisé le Mezcal pour illustrer des scènes dans des saloons. Le Mexicain qui enchaîne les shots d’alcool frelaté et le gringo qui s’étouffe avec. On est loin du raffinement dans les deux cas.
- Cet alcool à longuement été le spiritueux du pauvre au Mexique. Bon nombre de paysans et ouvriers l’ont consommé pendant tout le 20ème siècle.
- Le ver dans le verre ? Une imagerie fortement répandue autour de cette boisson qui n’est en fait qu’un simple coup marketing afin de le distinguer de la Tequila. Il est en effet interdit d’ajouter la cochenille d’agave dans la Tequila. Il est d’ailleurs assez mal vu d’ajouter cette larve par certains Mezcaliers. N’achetez pas de Mezcal avec un vers dedans. Et pour vous conforter dans cette idée, sachez que le ver d’agave est une bébête plutôt grosse donc ce n’est pas forcément cette espèce que contient vos bouteilles.
- Moins répandue, l’association avec la Mescaline, une drogue naturelle (ou de synthèse) qui provient certes du Mexique mais du cactus et non de l’agave. Alors à part un gros mal de tête si vous en abusez, les effets s’arrêteront là.
La Production
L’État d’Oaxaca assure près de 80% de la production nationale. Les habitants de Santiago Matatlan (auto-proclamée capitale du Mezcal) vivent pour 90% de cette eau-de-vie. Chaque Mezcal est différent de bien des aspects. Déjà de par l’ingrédient principal, l’agave. Pas moins de 30 variétés peuvent entrer dans la composition (une seule pour la Tequila) de la recette mais aussi et surtout, car les techniques de distillation varient d’un producteur à un autre. Ajoutez à cela la technique de coupe de la plante, le choix de l’eau et l’essence de bois utilisé pour la chauffe et vous aurez alors autant de possibilité qu’un vin Français.
Le Mezcal est, à l’image du vin ou du whisky, très lié à son terroir. Les parallèles avec ces derniers sont nombreux. On peut parler de cépages pour les différentes espèces d’agaves et le fait que le Mezcal puisse provenir de 9 régions différentes confère à cet alcool des profils aromatiques très distinctifs. De plus, le travail du master mezcalier (la personne qui assemble les mezcals) est vraiment mis en avant (via les étiquettes notamment) car il est presque toujours cité en personne sur la bouteille.
Les Étapes
Étape 1 – De l’agave au jus d’agave Une fois extraite du sol, l’agave est dépouillée de ses feuilles pour découvrir son cœur : la piña. Une piña de 70 kg produira environ 10 litres d’alcool. Coupées en deux ou en quatre, les piñas sont placées au sein de fours (ou palenques) creusés à même le sol. De forme conique, mesurant plus de 3 mètres de diamètre et 2,5 mètres environ de profondeur, ces fours sont pavés de pierres que l’on préchauffe 24 heures avant d’y déposer les piñas. Recouverts des restes fibreux d’agave encore humides du broyage précédent, les piñas sont enterrées sous un amas de feuilles de palme, d’agave et de terre, puis laissées en cuisson durant 2 à 3 jours. Une fois cuites, elles sont découvertes et mises à reposer à l’air libre pendant une semaine. Débute alors une première fermentation naturelle. Les piñas sont ensuite broyées dans un moulin à pierre actionné par un âne ou un cheval. La pulpe, le jus et les fibres sont mélangés à de l’eau (environ 10%) afin de produire un liquide sucré.
Étape 2 – Fermentation et distillation Le liquide fibreux ainsi obtenu est déversé dans une cuve en bois. Débute alors une seconde fermentation naturelle qui peut prendre de 1 à 4 semaines. Le mezcal est alors distillé 2 fois, exceptionnellement 3. La distillation s’effectue généralement au sein d’alambics en cuivre (introduits par les espagnols) ou en céramique (introduits par les chinois). Le moût y est déversé avec une portion des résidus fibreux de l’agave. Au terme de la première distillation, l’alambic est vidé de son contenu avant que ne soit opérée une seconde distillation.
Étape 3 – Vieillissement du mezcal Traditionnellement, le mezcal est mis à reposer dans des jarres en céramique. Mais de plus en plus, les cuves en inox tendent à les remplacer. L’introduction des fûts est relativement récente (1950) et il s’agit pour la plupart d’ex-fûts de bourbon. Les fûts de xérès sont utilisés pour des cuvées spéciales. Les locaux et puristes dégustent en général le Mezcal jeune (ou Joven) mais il est néanmoins possible de trouver des expressions vieillies en fût de chêne à l’instar du whisky et autres spiritueux.
On dénombre 6 catégories différentes :
Joven : sort directement de l’alambic (citron, herbes fraîches).
Reposado : élevé entre 2 et 11 mois en fût de chêne (vanille, pomme, herbes sèches).
Anejo : élevé plus de 12 mois en fût de chêne (abricot, caramel, poivre).
Destilado con : distillé avec un autre ingrédient (comme de la mangue par exemple)
Abocado con : on ajoute un autre ingrédient par la suite (comme un rhum arrangé)
Madurado con : vieilli 12 mois en dame jeanne avec des ingrédients
La Dégustation
On ne boit pas le Mezcal, on l’embrasse : Il faut s’humecter les lèvres avant de le déguster. L’usage veut qu’on commence par des Mezcals légers et peu fumés avant de s’essayer à des plus intenses. Déposer quelques gouttes sur le dos de la main, frotter jusqu’à ce que le liquide sèche et que l’odeur se dégage.
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Un grand merci à l’équipe Mezcal Brothers pour leur aide