Comment peut-on trouver des notes de banane, de goudron et autres bizarreries dans un verre de vin, alors que l’on parle d’un produit issu du seul travail du raisin ? C’est la question que je me suis souvent posé plus jeune en observant des amateurs éclairés. En élargissant au monde du spiritueux, il est commun de croiser des personnes pouvant citer des dizaines de senteurs et qualificatifs rien qu’au nez. Alors simple snobisme ou réalité, c’est ce que j’ai voulu savoir en grandissant.

Si vous lisez ces lignes c’est que vous êtes sans doute un amateur de spiritueux et vous connaissez d’ores et déjà la réponse, oui, on peut identifier de drôles de choses dans nos verres. Un grand nombre de ces odeurs sont en réalité dues à des réactions chimiques naturelles lors des différents procédés de fabrication. Nous les percevons grâce à des récepteurs (on en aurait près de 400) qui captent les molécules. Les noms sont barbares mais sachez que l’odeur de caramel, par exemple, proviendrait de la molécule furanéol et du sotolon (cette dernière peut donner une odeur caractéristique à la sueur et à l’urine en passant).

Il est néanmoins possible d’entrainer son cerveau à reconnaître ces réactions chimiques et c’est là que les ouvrages du nez vont pouvoir nous aider. Notons cependant en guise de préambule, que nous ne sommes pas tous égaux pour retrouver des odeurs. Au-delà de la sensibilité de son propre appendice nasal, voici trois éléments qui font qu’aujourd’hui VOUS pouvez dire que cet alcool sent bon la cerise et pas votre voisin.

La madeleine de Proust

Ahhh les vacances dans le Sud de la France de mon enfance, ces champs de lavande à perte de vue, les bonbons à la violette et le sirop d’orgeat que me donnait ma grand-mère… Ce souvenir vous évoque quelque chose, mieux, vous avez même peut-être certaines odeurs qui vous reviennent ? Eh bien sachez que pour moi, ce souvenir ne m’évoque rien du tout car il est entièrement fictif. Aucune sensation nostalgique, aucune senteur particulière, je pense être même incapable de dire ce que sent l’orgeat et il me faudrait du temps à l’aveugle pour ce qui est de la violette.

Cette mémoire olfactive, comme je l’appelle, fait référence aux souvenirs que vous vous êtes constitués durant toute votre vie. Cela diffère donc d’un individu à un autre. Il y aura un impact fort sur vos dégustations car vous aurez, ou non, les mots pour décrire ce côté fruits rouges qui vous titille les narines (pour info il existe une centaine de variétés, et entre une fraise et une groseille bah il n’y a pas trop de rapport). Alors est-ce qu’on peut élargir le champ de ses souvenirs pour se constituer une banque de données plus complète et précise ? Oui et c’est ce qu’on va voir tout de suite.

On ne « naît » pas « nez », on le devient

Votre restaurant préféré, vous y allez parce que vous savez qu’il est meilleur que les autres. Vous le savez car vous en avez testé 10, 20, 30 autres. Pour les vins, spiritueux, bref tout ce qui se boit, c’est la même chose. Les spécialistes dont c’est le métier (les oenologues, les nez en parfumerie, …) ont en tête une multitude de produits et c’est de cette base qu’il puisent leur savoir. C’est en forgeant qu’on devient forgeron dit l’adage. Alors testez un maximum de produits (samples, échanges, masterclass) pour développer votre mémoire olfactive. Prenez des notes de dégustation et servez-vous de la roue des arômes.

Savoir lire peut aider à savoir sentir

Il est évident que vous pouvez tenter de percevoir des odeurs à l’aveugle mais pour s’entrainer autant prendre le temps de décrypter ce que l’on s’apprête à boire. 70% du travail selon moi (chiffre qui sort complètement de nulle part) réside en la connaissance du produit. Un vin de la région de Bordeaux, un whisky d’Islay ou un Bourbon américain vous donnent déjà de précieuses informations. Les terroirs, les cépages et les environnements des trois exemples est très différent et donne des saveurs qui le sont tout autant. L’un sera fruité et rond, le second terreux et fumé et enfin le dernier épicé et boisé. Ces goûts, très généraux, donnent une définition vague des produits, je vous l’accorde, mais cela oriente quand même vers un vocabulaire lui plus précis.

Cette connaissance est d’autant plus poussée quand vous prenez le temps de bien lire la bouteille et je n’entend pas par là de forcément lire le texte marketing au dos. Des informations telles que les suivantes peuvent vous orienter :

  • Le vieillissement : quel type de fût, sa contenance, son essence de bois, est-il vierge, brûlé ou de second remplissage, le temps passé dedans…
  • Le « finish » : certains produits retournent en fût (entre 6 et 12 mois) d’ex rhum, bourbon, porto, chardonnay, il peut même y avoir plusieurs finish successifs.
  • Le degré d’alcool : en sortie d’alambic on est vers des 70° ou plus, la réduction permet d’obtenir des taux plus « raisonnables » vers les 40° mais enlève aussi pas mal de saveurs très franches. Testez des bouteilles « bruts de fûts » ou « cask strengh » vous identifierez plus nettement les odeurs.
  • L’origine géographique : on l’a évoqué juste avant mais le pays voire la région est une variable importante (si ce n’est la plus importante) pour savoir de quoi parler.
  • La distillerie : ça peut paraître bête mais certaines distilleries ont une vraie signature olfactive. Bon nombre de consommateurs de tourbé d’Islay ont une distillerie qu’ils préfèrent, personnellement j’aime les odeurs des Laphroaig et Ardbeg.

Je n’inclus volontairement pas la couleur de l’alcool présent dans votre verre car, si cela est de moins en moins le cas, des colorants peuvent être présents dans certaines bouteilles. Alors ce ne sera pas fluo, bleu ou rose mais parfois, des teintes caramels peuvent venir booster une robe un peu pâle pour plus de gourmandise. Attention donc à ne pas vous faire avoir.

L’oenologie à la maison avec :
Le nez du Bourbon et American Whiskeys

Dernier nez des Éditions Jean Lenoir, cet opus fait suite aux excellents Le nez du Whisky et Le nez du Vin, deux ouvrages de référence en la matière. Ces éditions très complètes sont souvent utilisés par des professionnels mais si vous avez des amis ou une famille très sympa, je vous invite à vous les faire offrir.

C’est quoi déjà le Bourbon ?

Dans un format plus raisonnable et transportable, Le Nez du Bourbon et American Whiskeys vous embarque à la découverte de ces jus du Nouveau Monde en 12 flacons. Préfacé par Chris Morris, le maître distillateur de Woodford Reserve (l’un des bourbons les plus emblématiques) et co-écrit avec The Whisky Couple (Hans et Becky Offringa), l’éditeur s’est consacré à identifier les « grandes » notes olfactives que l’on retrouve dans nos Bourbons à savoir : miel, rose, feuille de tabac, cerise, orange, chêne, amande grillée, caramel, vanille, cannelle, menthe et poivre noir, tous classés en familles sur une roue des arômes (fournie également).

Comment se servir de ce livre-objet ?

L’idée de base derrière Le Nez du Bourbon et American Whiskeys est de vous aider à mettre des mots sur des odeurs. Comment ? En s’entraînant ! Soit par le biais de dégustations croisées (vous cherchez à identifier un arôme contenu dans votre verre) soit (et c’est comme ça que je l’utilise) en mode « jeu de société ». On prend chacun 6 flacons au hasard et on tente de retrouver de quoi il s’agit. C’est ludique, récréatif et on apprend en s’amusant comme dirait une mauvaise pub de jouet pour Noël.

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Barbu et tatoué depuis #1986 ! Auteur craftbeer aficionados de whiskies et fan de rock
Co-fondateur de Themancave.fr

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