The Macallan, l’excellence du Speyside (par Charles)

J’ai récemment eu l’occasion de m’offrir une bouteille de The Macallan (vous en trouverez la review en fin d’article, je ne vous gâche pas la surprise) à un prix raisonnable lors d’une vente aux enchères. Rêve de néophyte de posséder une bouteille de cette distillerie iconique, j’ai décidé de vous proposer un petit tour d’horizon de la perle du Speyside. Envie d’en savoir plus sur The Macallan? C’est par ici. 

The Macallan, une renommée qui donne lieu à toutes les spéculations

Parler de The Macallan, c’est parler d’une distillerie mondialement connue et reconnue comme la meilleure distillerie au monde, quoi que l’on pense de ce genre de superlatif. Ce qui est vrai, c’est qu’elle est la distillerie de toutes les ventes aux enchères, de toutes les spéculations. C’est pourquoi elle est difficilement abordable (en-dehors de ses gammes les moins onéreuses) et ses bouteilles sont assez peu ouvertes. C’est le whisky préféré de James Bond, ce qui contribue à son rayonnement notamment dans la culture populaire. En effet le monsieur n’a pas l’habitude de taper dans le bas de gamme, on le voit par exemple boire un The Macallan 1962 50 YO dans Skyfall. The Macallan c’est également la plus renommée des distilleries de la plus célèbre (et certains vous diront de la meilleure) des 6 régions productrices de scotch whisky, le Speyside. 

En termes de spéculation, 3 fun facts sur The Macallan:

  1.  La bouteille la plus chère vendue au monde (vendue fin 2019 chez Sotheby’s, la grande salle d’enchères londonienne) est une bouteille de The Macallan « Fine And Rare » 60 ans 1926 vendue 1,45 millions de livres sterling (environ 1 715 000 euros de l’époque).
  2. Avant cette vente, la bouteille la plus chère du monde était vendue l’année précédente au prix record de 1,2 millions de livres sterling (environ 1 331 000 euros de l’époque). C’était…….. une bouteille de The Macallan 1926 émanant du même fût.
  3. La spéculation attire également son lot de pigeons (je sais, ce n’est pas très gentil de ma part). Eté 2017 à l’hôtel Waldhaus de Saint-Moritz (Suisse), détenteur de la plus grande collection de whiskies du monde, un amateur chinois milliardaire a payé 9 999 francs suisses (un peu plus de 8 550 euros de l’époque) pour ouvrir et boire 2cl de la dernière bouteille de The Macallan 1878 au monde. Plot twist : la bouteille était falsifiée et le whisky qu’elle contenait datait des années 1970.

Mais alors, c’est quoi The Macallan? Et qu’est-ce qui en fait la distillerie la plus précieuse du monde? C’est ce que nous allons voir. 

The Macallan d’hier à aujourd’hui 

Un peu d’histoire: The Macallan est une distillerie créée en 1824 (la même année que Cardhu ou encore Glenlivet pour ne citer que des distilleries de la même région, année faste pour le Speyside) par Alexander Reid, un homme à la fois cultivateur et instituteur. Le domaine de 157 hectares est établi le long de la rivière Spey, au coeur de Glenlivet, dans la ville de Craigellachie. C’est une des premières distilleries à devenir légale (à l’époque sous le nom d’Elchies Distillery car se situant sur le domaine de la ferme-manoir Elchies House, bâtie en 1700) suite à l’Excise Act de 1823 qui permet à Alexander Reid d’acheter la licence. C’est en 1845 qu’il décide d’embouteiller une partie de sa production, suite à la suppression d’une taxe sur le verre. Son fils récupère la direction de la distillerie à sa mort en 1847, mais décède seulement un an plus tard. Rodney Kemp rachète la distillerie en 1892 à un certain James Stuart qui en avait fait l’acquisition en 1886, la renomme Rodney Kemp Macallan-Glenlivet et rénove la distillerie. Elle restera dans la famille jusqu’en 1996. La Seconde Guerre Mondiale n’interrompra pas la production (avec la tourbe comme seul combustible disponible), mais l’expansion débutera réellement dans les années 60/70 (entre 1965 et 1975 on passe de 6 à 21 alambics, c’est assez symptomatique), avec comme point d’orgue l’année 1968 et son entrée en bourse. Michael Jackson (l’écrivain anglais, pas le chanteur hein) définit à cette époque The Macallan comme « la Rolls Royce des whiskies ». Elle appartient de nos jours au groupe Erdington (qui possède entre autres The Famous Grouse ou encore Highland Park). 

Une quête de l’excellence en 6 actes 

The Macallan possède ce que l’on pourrait appeler un code d’honneur, une feuille de route quelle nomme ses « piliers » et qui sont les garants de l’excellence de leurs produits. Ces piliers sont au nombre de 6. 

Pilier 1, l’attachement au domaine, un pilier « spirituel »:

le nom Macallan vient du nom d’origine de la région, MAGHELLAN. Ce nom vient du gaulois « magh » qui signifie sol fertile, et de Saint Fillan qui est un moine très lié à l’église qui se trouvait dans le parc de The Macallan Estate jusqu’en 1400. Le domaine remonte à 1543, et c’est au coeur de ses 157 hectares que se situe Easter Elchies House. L’ancienne distillerie a été mise en sommeil en 2014 et le matériel de distillation progressivement transféré dans des locaux flambants neufs à 400 mètres de là, plus adaptés. On ne saurait sortir du Macallan Estate pour produire du Macallan. 

Pilier 2, les alambics:

Une cuve inox pour le brassage, 16 cuves inox pour la fermentation, 7 alambics de 13 000 litres pour la première distillation (wash still) et 14 alambics d’une capacité de 4 000 litres avec chauffe directe au gaz pour la 2ème distillation (Spirit still). Les alambics nommés « Curiously Small Spirit Stills » sont de taille et de forme uniques, travaillés pour établir un contact parfait pour le travail entre l’alcool et le cuivre. Tout comme on a estimé en Champagne que le magnum était la bouteille permettant le meilleur ratio pour le vieillissement du produit (une question de ratio air/vin dans la bouteille), The Macallan a intégré cette donnée dans la conception de ses alambics.

Pilier 3, La coupe la plus fine d’Ecosse:

The Macallan procède à une sélection drastique d’à peine 16% du New Make Spirit. Pour rappel, le distillat obtenu après seconde distillation est divisé en 3 parties: la tête (chargée en méthanol et donc toxique, elle sera réintroduite dans le Spirit still), le coeur (que l’on met en fût) et la queue de chauffe (trop faible en alcool, elle aussi sera réintroduite dans le Spirit Still). La coupe est la plus fine pour ne conserver que la part la plus pure et qualitative de la chauffe.

Pilier 4, des fûts exceptionnels:

On a coutume de dire que la qualité du fût fait jusqu’à 80% de la saveur et la qualité du whisky. La sélection du fût est au coeur de l’identité de The Macallan. La distillerie a nommé un « Master of Wood » qui travaille avec des tonneliers espagnols pour créer des barriques répondant à ses exigences en termes de qualité de bois (originaire du Nord de l’Espagne), de séchage et de chauffe. Les fûts européens sont fabriqués spécialement pour la distillerie à Jérez de la Frontera (près de Cadix en Andalousie) puis assaisonnés au sherry oloroso (un Xérès sec, à la robe ambrée voire acajou, issu de la fermentation du moût de cépage palomino) pendant 2 saisons. Au total ce sont 5 années de travail en amont du remplissage du whisky, supervisées par la distillerie à chaque étape: approvisionnement, séchage naturel, fabrication, assaisonnement, entretien. Les fûts américains sont eux originaires du Kentucky et utilisés pendant 8 ans pour la maturation du Bourbon avant d’être vidés puis expédiés en Ecosse.

Pilier 5, une coloration naturelle:

la coloration est totalement naturelle, allant de l’or clair à l’acajou, sans aucune adjonction de caramel. C’est la maîtrise des employés de The Macallan à toutes les étapes de la fabrication qui permet de conserver une grande homogénéité naturelle dans la coloration.

Pilier 6, l’excellence:

le travail des différents piliers permet à The Macallan d’être considéré unanimement comme le whisky le plus précieux du monde. 

Ma dégustation: The Macallan « Fine Oak » Triple Cask 12 YO

Mon choix de vous présenter cette bouteille s’impose pour deux raisons : déjà parce qu’il s’agit de la bouteille de The Macallan que je possède (c’est mieux en effet), et ensuite car je la trouve injustement méprisée par les puristes (et j’aime bien prendre les puristes à rebrousse-poil). En effet la gamme « Fine Oak » apparue il y a une vingtaine d’années proposait un nouveau travail autour du fût: l’ajout de chêne américain assaisonné au sherry pour la série « Double Cask », et de fûts ayant auparavant contenu du bourbon pour la série « Triple Cask ». Cette gamme « Fine Oak » a été décriée par les puristes qui ont estimé que ces ajouts allaient à l’encontre de l’ADN du Macallan, dont les 6 piliers rappellent entre autres l’importance du fût européen assaisonné au sherry. La mention « Fine Oak » a finalement été retirée en 2018.

Il s’agit ici d’un single malt, titrant à 40°, vieilli 12 ans en fûts européens et américains assaisonnés au sherry ainsi qu’en fûts américains ayant précédemment contenu du bourbon. La robe est couleur or mâtinée de bronze, avec à la lumière quelques reflets acajou.

Le nez est rond et complexe, d’abord marqué par les fruits du verger (pomme, poire notamment). En se réchauffant, des notes de fruits rouges et d’agrumes données par le sherry apparaissent, ainsi que quelques épices (vanille, muscade) et des notes florales, ces dernières apportées par le bourbon à mon sens.

La bouche est douce, marquée comme le nez par des notes de pommes, d’agrumes légers et d’épices douces. A la chaleur des mains apparaissent des notes plus boisées, vanillées et une texture beurrée marquée par les épices et les fruits secs. Un léger miel floral (acacia?) se fait sentir également.

La finale est modérément longue mais tapissante voire beurrée, marquée par les fruits secs, le chêne toasté et les épices.

Glenglassaugh, la distillerie entre Terre et Mer

Per Mare Per Terra est la devise de la distillerie dont nous allons vous parler aujourd’hui. Ce mantra n’est pas anodin car derrière cette consonance latine se cache l’âme même de ces écossais qui reviennent en force après plus de 20 années de sommeil.

Située dans la baie de Sandend (à la frontière du Speyside et des Highlands mais aussi en bord de mer), la distillerie écossaise s’introduit avec 3 caractéristiques distinctives : le Speyside apportant une douceur tropicale, les Highlands ajoutant profondeur et richesse, et la mer donnant au whisky un caractère marin et frais. 

Fondée par le Colonel James Moir, Glenglassaugh (en Gaélique « vallée du lieu gris-vert ») produit dès sa création un whisky atypique, à cheval à ce que l’on retrouve dans l’une ou l’autre de ses régions d’adoption. Frappée, comme de nombreuses autres distilleries, par la crise des années 1980, Glenglassaugh est contraint de fermer ses portes en 1986 pour ne revenir qu’en 2008 avec une édition emblématique et désormais signature : la Revival (renaissance), un Single Malt ayant bénéficié d’un finish en fût de Bourbon, Olorosso puis affinage en vin rouge..

L’eau provient de sources souterraines, l’orge est cultivée dans les Highlands de l’est avant d’être maltée selon des spécifications précises par Portgordon à 15 km de la distillerie. Toutes les opérations sont contrôlées manuellement, sans l’aide d’un ordinateur.

Coastal Cask Collection

Dr. Rachel Barrie, Master Blender de la distillerie à eu l’idée de puiser dans la collection de fûts de la marque pour sortir une gamme singulière d’exception nommée Coastal Cask Collection. L’idée ? Célébrer les 10 ans de la réouverture en proposant de découvrir les premiers 10 ans d’âge. Issus de 10 fûts différents ces Single Casks seront également numérotés à la main. Nous avons eu la chance de déguster deux d’entre eux.

Glenglassaugh Coastal Cask N°957 2009 10 ans Oloroso 57.9% (par @Thebeergame)

Distillé le 9 septembre 2009 et vieilli pendant 10 ans en fût de Xérès Oloroso, le cask #957 donnera en tout et pour tout 685 bouteilles, une chance pour moi d’avoir pu la déguster et vous en faire part.

Belle couleur dorée, texture huileuse.

Au premier nez, c’est une vive impression de vin cuit et de barrique qui se dégage. Un côté mielleux, rond et suave certainement dû au choix de l’Olorosso, un Xérés qui se caractérise par des notes gourmandes de noisettes grillées. Au fur et à mesure de son aération, les notes se précisent et je distingue un côté « boite à cigares » très agréable ainsi que des notes de fruits confits (de la marmelade d’orange), un peu de fumée et toujours ce boisé humide, marin.

En bouche, c’est doux, les 57.9% passent très facilement et la réduction à l’eau n’est vraiment pas nécessaire. Si son caractère bien « trempé » était ultra détectable au nez, la dégustation quant à elle est plus basée sur la douceur. Des agrumes, des notes fleuries et du miel qui viennent tapisser généreusement le palais et flatter les papilles.  

La finale est longue, sur le bois, le feu de plage, un peu de fumée au loin. 

En conclusion, la signature Per Mare Per Terra prend tout son sens dans cette expression. On a bien ces deux profils aromatiques et le tout est équilibré. C’est à la fois original et bougrement addictif, le « haut » taux, qui fleure les 60% tout de même, ne change en rien ce constat.

Glenglassaugh Coastal Cask N°2824 2010 10 ans Pedro Ximénez 57.8% (par @WhiskyLimouzi)

Celui-ci a été distillé l’année suivante, en 2010, et vieilli dans un autre type de fût de sherry : du Pedro Ximénez ! Seulement 370 bouteilles en sont sortie, pour mon plus grand bonheur étant donné que c’est l’un de mes vieillissement/finish préféré.

La couleur est dingue. Brun, presque noir, avec des reflets cuivrés, rouges, ambrés et dorés. Une merveille. Le genre de jus qu’on peut se contenter de regarder par peur de finir son verre.

Le nez présente de belles notes boisées et épicées (poivre et cannelle) qui s’entremêlent avec suavité aux notes du fût de PX. Des fruits mûrs / compotés / caramélisés … dans le style fond de marmite qui a accroché pendant la cuisson de la confiture. Arrivent ensuite d’autres arômes fruités plus légers et acidulés : pomme, poire, fruits tropicaux ; ainsi qu’une note sucrée qui enrobe tout ça de douceur. En fond les fruits à coque (noix / noisettes), l’orange, le chocolat, les pruneaux, les raisins secs … Tout ce qu’on attend d’une sherry bomb PX. L’alcool est tout juste perceptible, c’est un travail formidable !

L’attaque en bouche est douce, le whisky tapisse le palais puis subitement c’est l’onde de choc. Du caramel, du sel, des fruits tropicaux à gogo, dans le style cuisinés / compotés. Arrivent ensuite une petite note amère de cacao / pelure d’oranges et les épices du bois : des notes un peu piquantes, poivrées / pimentées. La texture en bouche est parfaite, tapissante, sirupeuse mais pas écoeurante. Les fruits à coque pointent le bout de leur nez accompagnés de quelques notes végétales juste avant la finale.

La finale, parlons-en. Hyper longue, chaude, elle passe par plusieurs phases. D’abord les épices (poivre et cannelle comme au nez) et les fruits. Ensuite les arômes de noix caressent le palais avant de laisser place à des notes plus minérales, iodées, végétales.

Un whisky qui atterrit directement dans mon top 10 des vieillissements PX. J’en suis totalement amoureux.

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Article réalisé à 4 mains : @thebeergame et @whiskylimouzy