Teeling, le renouveau du whisky irlandais
J’ai eu l’opportunité d’assister en décembre 2021 à une Masterclass de la marque au Phoenix (les deux dans le fond qui ont dit « Grimbergen », sortez) Teeling animée par Juliette Perreau, leur Brand Ambassador France. Grand amateur de cette distillerie dublinoise depuis mon arrivée récente dans le whisky game (ou plutôt whiskey, en Irlande fais comme les Irlandais), je ne pouvais pas manquer ça. Du coup cela m’a donné envie de vous parler de cette distillerie que j’apprécie beaucoup. Direction l’île d’Emeraude ! Article écrit par Charles @el_profecito
Au Sommaire
- Teeling, une histoire familiale au service de l’Irish Whiskey
- Le savoir-faire Teeling
- Teeling Small Batch 46° : le couteau-suisse irlandais !
- Mon incontournable: Teeling Stout Cask
Teeling, une histoire familiale au service de l’Irish Whiskey
Une famille qui baigne dans le whiskey
Chez Teeling le whiskey c’est une affaire de famille, et ce depuis 1782 lorsque Walter Teeling ouvre sa petite distillerie sur Marrowbone Lane, à Dublin, rejoint en 1791 par son fils John. Puis le père de Jack et Stephen Teeling (un autre John Teeling) fonde la distillerie Cooley en 1987 (elle sera rachetée par Jim Beam en 2011). Enfin, Jack et Stephen fondent en 2012 la Teeling Whiskey Company puis ouvrent leur propre distillerie en 2015, après avoir collaboré avec leur père. Notons enfin que les trois alambics de la distillerie portent le non des trois filles de Jack: Alison, Natalie et Rebecca. La future génération de la distillerie?
Le renouveau de l’Irish Whiskey
Plus qu’une simple saga familiale, c’est aussi un renouveau du whiskey irlandais que propose la marque, comme le souligne le Phoenix gravé sur les bouteilles. Tout d’abord parce que c’est un spiritueux qui a perdu de sa superbe jusque récemment. Je ne trancherai pas la controverse de qui a inventé le whisky entre Ecossais et Irlandais, mais il faut reconnaître que les derniers siècles n’ont pas été tendres avec cette boisson emblématique de l’île Emeraude. Le XIXème siècle a été un siècle d’associations prohibitionnistes et de guerre des prix remportée par les blends écossais et le gin britanniques plus bon marché. C’est aussi le siècle de guerre des taxes poussant de plus en plus de distilleries vers la clandestinité puis vers la fermeture. C’est enfin le siècle des famines successives envoyant la population irlandaise vers le Nouveau Monde. Autant de raisons du déclin de l’Irish Whiskey et d’un besoin de renouveau proposé par plusieurs distilleries dont Teeling.
Dubliners for ever
Teeling c’est enfin un retour aux sources dublinoises car la distillerie installée dans les Liberties, au beau milieu du Triangle d’Or de la distillation, est la première à ouvrir ses portes dans la capitale depuis 125 ans. Probablement une manière de conjurer le sort après le Great Whiskey Fire du 18 juin 1875 qui a vu le quartier inondé par plusieurs millions de litres de whiskey en fusion suite à l’incendie d’une malterie et de l’entrepôt voisin, causant la mort de 13 personnes par intoxication alcoolique. Le cadre est posé, passons maintenant à ce qui fait l’ADN de cette distillerie.
Le savoir-faire Teeling
C’est quoi le Whiskey chez Teeling?
Il ne s’agira pas ici de lister chaque collection de la gamme Teeling, mais de présenter l’identité de la marque et ce qui m’attire dans cette distillerie. Quelques éléments généraux d’abord: la distillerie est équipée de trois alambics à repasse (pot still) tout droit venus d’Italie et capables de produire 500 000 litres d’alcool par an. Ils présentent tous des caractéristiques communes : une réduction à 46 % et une non-filtration à froid. De plus à la différence de la plupart des distilleries irlandaises qui pratiquent la triple distillation, cette distillerie pratique la double distillation, tout comme Cooley. Elle est également la seule à produire du whiskey dans le style Pot Still Whiskey à Dublin. Fun fact : vous avez la possibilité de remplir votre propre bouteille de Single Malt sur place et à même le fût. Par définition, il s’agit donc d’un single malt, single cask, cask strength. C’est plutôt cool non? Enfin, Teeling propose du new make spirit, le produit direct de la distillation sans vieillissement (ce n’est donc pas, légalement, du whiskey), appelé Poitìn. Un produit typiquement irlandais, et qui ressemble le plus à ce que l’on appelait whisky au début de la distillation. C’est aussi une distillerie qui propose un trop rare whiskey tourbé, le Blackpitts.
Parlons finish !
On ne peut pas plus séparer Wolverine de ses griffes en adamantium que Teeling de ses finish. Né en/dans le Champagne et néophyte du whiskey, j’étais assez sceptique sur cette pratique. Chez nous on évite globalement de mettre des trucs dans notre coupe, et on évite aussi de mettre le vin dans un contenant qui a contenu autre chose auparavant. Déjà que l’on n’accepte que trois cépages (le Chardonnay, le Pinot Meunier et le Pinot noir) dans un Champagne… C’est cette distillerie qui m’a fait changer d’avis sur cette pratique, et notamment leur Stout Cask, que je vous présente un peu plus loin dans cet article, et leur gamme Sommelier. Pour rappel, on parle de finish lorsque le spiritueux après maturation (3 ans pour l’appellation whiskey) passe un certain temps dans un contenant ayant contenu précédemment un autre produit: bière, vin, spiritueux en tout genre… permettant ainsi une transmission d’arômes. Or on peut dire que chez Teeling il y a un côté presque ludique à tester leurs différents finish qui sont dans certaines gammes mises au centre de la bouteille: la Stout Cask dont je vous parle plus bas ou l’Amber Ale comme nouveauté, côté vin avec la collection Sommelier le Château Margaux ou l’Amarone (vin du nord-est de l’Italie)… De quoi nourrir vos rêves les plus fous et garantir des soirées dégustation riches en découvertes (j’attends avec impatience un finish Champagne même si la maturation en fûts est de plus en plus rare en Champagne, je pose cette idée ici).
Un certain engagement vers une production plus verte
Dernier point, l’éco-responsabilité de cette distillerie est un élément qui me tient à coeur. La distillerie a mis un point d’honneur à rendre son whiskey le plus vert possible. Tout d’abord avec un système de récupération et de réutilisation de l’eau de pluie pour réduire son impact sur cette ressource. La distillerie récupère également la chaleur excessive produite lors de la distillation pour chauffer leurs locaux. Enfin, l’orge utilisé pour la distillation est certifié vert, et les résidus de grain et de distillation (pot ale) réutilisés dans l’alimentation animale et notamment porcine. Il est maintenant temps de vous proposer la présentation et mes notes de dégustation de deux de leurs whiskies: le Small Batch fleuron de leur gamme, et le Stout Cask qui est un de mes must have.
Teeling Small Batch 46° : le couteau-suisse irlandais
On démarre par un joli blend d’orge et de grain, vieilli en fûts de Bourbon et affiné en fûts de rhum nicaraguayen. Il nous a été présenté lors de la Masterclass comme le whiskey « passe-partout » de la marque, dans le sens où il fait le travail en toute circonstance (apéritif, digestif, cocktails, entre connaisseurs ou amateurs…). Ce n’est pas mon préféré de la gamme, mais outre sa polyvalence j’adhère également à son profil aromatique marqué par le rhum dans lequel il a été affiné. Et puis à moins de 40€ dans le commerce je le trouve d’un excellent rapport qualité/prix pour quelqu’un qui n’a pas les moyens ou l’envie d’investir une forte somme dans une bouteille.
NEZ: Vanille, épices douces. Très doux sans être sucré non plus, on sent les influences du rhum dans un côté mélasse ou sucre cuit. J’ai cru y discerner également un vague relent de coco.
BOUCHE: Assez doux et onctueux. Le rhum est cette fois-ci très présent et marqué par la vanille. La deuxième gorgée tire plus sur le fruité (raisins secs notamment), associé à des notes de chocolat.
FINALE: Assez courte et sèche, alternant entre la chaleur des épices et la douceur des notes boisées.
Mon incontournable: Teeling Stout Cask
Je ne pouvais pas parler de Teeling sans évoquer une de mes bouteilles préférées, leur Stout Cask. C’est cette bouteille (et la gamme Sommelier que j’ai découverte par la suite) qui m’a convaincu de la plus value apportée par les finish, et les infinies possibilités que cette pratique pouvait apporter. Fruit d’un mariage 100% irlandais (le whiskey et la stout), ce whisky est le résultat d’une collaboration de la distillerie avec la brasserie Galway Bay. Ce Small Batch a bénéficié d’un vieillissement de plus de 6 mois en fûts de « 200 Fathoms Imperial Stout ». Elle atterrit directement dans mon top 10 des finishs (voire même dans mon top 10 whisky à ce jour).
NEZ: Bois, céréales, miel, caramel. Evolue sur des notes très sucrées, mais également sur des notes céréalières comme des fruits cuits au sucre ou une tarte aux fruits. En arrière-plan on distingue également des notes chocolatées amères et du caramel.
BOUCHE: Un fort mélange de caramel et de chocolat. Une belle sucrosité en bouche, marquée par d’intenses notes d’épices douces, de la vanille. Un côté également céréalier avec des notes d’orge légèrement fumé et des arômes maltés.
FINALE: Longue, sucrée, onctueuse. Des notes de vanille et d’épices, j’ai vraiment l’impression d’avoir dans la bouche une bonne cuiller de crème brûlée, sans le croquant de la croûte de sucre. Il y a quelque chose de café ou de chocolaté, une légère amertume persistante. J’espère vous avoir donné envie d’en savoir plus et de découvrir les différents produits de cette distillerie.