Cedar Ridge Port Cask, la rencontre du Portugal et des USA

Direction les États-Unis avec la distillerie Cedar Ridge, un acteur désormais incontournable du bourbon qui s’est bâti une solide réputation en seulement quelques années. Retour sur une success story à l’américaine. Nous sommes dans le début des années 2000 et pour boire un whiskey réalisé en Iowa il faut être borné. En effet, l’Etat ne possède aucune distillerie jusqu’en 2005 et doit, de fait, obligatoirement importer ce que ses habitants veulent consommer. Une situation ubuesque quand on sait que cette région a le statut de plus grand producteur de maïs de tous les États-Unis ! 

Tu as besoin d’une séance de rattrapage sur le bourbon ? Pas de soucis, consulte notre page dédiée.

C’est partant de ce constat qu’en 2005, la famille Quint, décide de s’installer dans la ville de Swisher et de produire des whiskeys issus des terres agricoles environnantes. Aidés dès 2009 par un ancien chef de cuisine (Kolin Brighton) qui deviendra vite leur Master distiller, l’équipe se lance dans l’aventure du bourbon. Les jus de cette famille auraient pu rester confidentiels et avoir un rayonnement seulement local mais c’était sans compter sur leur savoir-faire et la qualité de leur travail ainsi qu’un terroir alors inexploité qui s’avère être exceptionnel.

Swisher, l’attrape saveur

Située dans le centre-est de l’Iowa, la bourgade de Swisher bénéficie d’un climat aux températures fluctuantes ayant un impact significatif sur les whiskeys puisqu’elles permettent au bois de diffuser plus rapidement leurs arômes et leurs bienfaits. Cet avantage ne vient pas sans un inconvénient : les jus, mis à vieillir dans des granges, voient une grande partie de leur volume s’évaporer dans la nature. Ainsi, la part des anges s’élève à 18%, contre 12% en moyenne. En plus de cet atout climatique, Cedar Ridge procède à une double-distillation poussée un peu plus haut en alcool que la moyenne (dans le but d’éliminer les impuretés et clarifier au maximum les distillats) ce qui donne des produits multi-récompensés.

La distillerie Cedar Ridge a été élue « best craft distillery » de l’année 2017 par l’American Distilling Institute, et ce parmi plus de 1300 distilleries américaines ! Une récompense qui en dit long sur la qualité de cette distillerie, qui met tout en œuvre depuis 2005 pour nous proposer d’authentiques whiskeys américains.

En plus de leur Bourbons, la gamme de Cedar Ridge va du Rye, au Wheat en passant par le Single Malt (issu du leur seule exploitation). Des céréales issues des parcelles adjacentes à la distillerie et qui permettent aux américains de travailler de nombreuses facettes des American Whiskeys.

Cedar Ridge Bourbon Port Cask

Les finitions dans les fûts de Porto sont légion dans le monde du whisky Glen Moray, Glenrorangie, Arran, Kavalan et bien d’autres s’y sont essayés avec plus ou moins de succès. Mais pour ce qui est du Bourbon, force m’est d’avouer qu’il s’agit de mon premier. Alors est-ce que le boisé-épicé si caractéristique du bourbon va bien se marier avec la rondeur et la sucrosité du vin fortifié portugais, c’est ce que l’on va voir via deux dégustations.

Ce whiskey est vieilli en fûts de chêne neuf et affiné 12 mois en futs de Porto. Il est composé de 74% de maïs, 14% de seigle maltée et 12% d’orge maltée. Ni coloré, ni filtré à froid.

La note de Thomas

NEZ : Un côté très « Noël » inaugure la dégustation de ce bourbon. Gourmand, le nez apporte son lot de notes de fruits confits de vanille et d’épices douces. En s’aérant on distingue des notes de fruits cuits et de marmelade d’orange qui me rappelle un peu un vin chaud. En attendant encore un peu plus, des touches boisées se révèlent. J’ai même cru y percevoir un peu de noix de coco.

BOUCHE : La douceur est le maitre-mot de cette dégustation. La vanille toujours présente laisse quelque peu sa place à des notes de  cerise noire. Les notes vineuses commencent à pointer le bout de leur nez via des touches de figues, cassis et un peu de fruits secs.

FINALE : Chaude et sèche, le porto et les fruits rouges en fil conducteur. C’est gourmand, pas trop sucré (on aurait pu prendre peur sur l’apport du Porto sur une base Bourbon). La finale est un peu courte à mon goût mais on ne peut pas tout avoir et il suffit d’en reprendre une gorgée pour palier au problème.

La note de Charles

NEZ : Assez doux au nez, la puissance alcoolique n’attaque pas comme chez d’autres whiskys. Premières impressions olfactives des notes de bois vert, quelque chose d’un peu résineux. On marque ensuite sur un côté très doux, une belle sucrosité, des notes de vanille et d’épices douces (réglisse, cannelle). Les notes d’épices traînent dans le nez, et on a un je ne sais quoi qui s’approcherait presque de la Bénédictine dans le côté presque médicinal des épices. En fin de nez on retrouve enfin des arômes de porto et de vin cuit.

BOUCHE : Un côté poivré/piquant, presque gingembre. Les épices sont très présentes, ainsi que la vanille. Quelque chose de très riche, avec un sucre très discret et subtil. Au milieu des épices, on a un petit twist qui ressemble à de la coco. Moi qui n’aime pas la coco, ça me plaît car c’est discret tout en twistant les notes de vanille et d’épices.

FINALE : Assez léger. Des notes de vin cuit/porto qui reviennent. Note: 9/10. J’adore. C’est doux, très agréable à boire, très aromatique. On y retrouve beaucoup de marqueurs du rhum vieilli, mais sans le côté très sucré et presque écoeurant des rhums. On seul bémol est qu’il passe assez vite, on a une finale qui est très courte.

Un produit à retrouver chez les copains de chez Whiskies du monde.

Le nez du bourbon, libérez vos sens

 Comment peut-on trouver des notes de banane, de goudron et autres bizarreries dans un verre de vin, alors que l’on parle d’un produit issu du seul travail du raisin ? C’est la question que je me suis souvent posé plus jeune en observant des amateurs éclairés. En élargissant au monde du spiritueux, il est commun de croiser des personnes pouvant citer des dizaines de senteurs et qualificatifs rien qu’au nez. Alors simple snobisme ou réalité, c’est ce que j’ai voulu savoir en grandissant.

Si vous lisez ces lignes c’est que vous êtes sans doute un amateur de spiritueux et vous connaissez d’ores et déjà la réponse, oui, on peut identifier de drôles de choses dans nos verres. Un grand nombre de ces odeurs sont en réalité dues à des réactions chimiques naturelles lors des différents procédés de fabrication. Nous les percevons grâce à des récepteurs (on en aurait près de 400) qui captent les molécules. Les noms sont barbares mais sachez que l’odeur de caramel, par exemple, proviendrait de la molécule furanéol et du sotolon (cette dernière peut donner une odeur caractéristique à la sueur et à l’urine en passant).

Il est néanmoins possible d’entrainer son cerveau à reconnaître ces réactions chimiques et c’est là que les ouvrages du nez vont pouvoir nous aider. Notons cependant en guise de préambule, que nous ne sommes pas tous égaux pour retrouver des odeurs. Au-delà de la sensibilité de son propre appendice nasal, voici trois éléments qui font qu’aujourd’hui VOUS pouvez dire que cet alcool sent bon la cerise et pas votre voisin.

La madeleine de Proust

Ahhh les vacances dans le Sud de la France de mon enfance, ces champs de lavande à perte de vue, les bonbons à la violette et le sirop d’orgeat que me donnait ma grand-mère… Ce souvenir vous évoque quelque chose, mieux, vous avez même peut-être certaines odeurs qui vous reviennent ? Eh bien sachez que pour moi, ce souvenir ne m’évoque rien du tout car il est entièrement fictif. Aucune sensation nostalgique, aucune senteur particulière, je pense être même incapable de dire ce que sent l’orgeat et il me faudrait du temps à l’aveugle pour ce qui est de la violette.

Cette mémoire olfactive, comme je l’appelle, fait référence aux souvenirs que vous vous êtes constitués durant toute votre vie. Cela diffère donc d’un individu à un autre. Il y aura un impact fort sur vos dégustations car vous aurez, ou non, les mots pour décrire ce côté fruits rouges qui vous titille les narines (pour info il existe une centaine de variétés, et entre une fraise et une groseille bah il n’y a pas trop de rapport). Alors est-ce qu’on peut élargir le champ de ses souvenirs pour se constituer une banque de données plus complète et précise ? Oui et c’est ce qu’on va voir tout de suite.

On ne « naît » pas « nez », on le devient

Votre restaurant préféré, vous y allez parce que vous savez qu’il est meilleur que les autres. Vous le savez car vous en avez testé 10, 20, 30 autres. Pour les vins, spiritueux, bref tout ce qui se boit, c’est la même chose. Les spécialistes dont c’est le métier (les oenologues, les nez en parfumerie, …) ont en tête une multitude de produits et c’est de cette base qu’il puisent leur savoir. C’est en forgeant qu’on devient forgeron dit l’adage. Alors testez un maximum de produits (samples, échanges, masterclass) pour développer votre mémoire olfactive. Prenez des notes de dégustation et servez-vous de la roue des arômes.

Savoir lire peut aider à savoir sentir

Il est évident que vous pouvez tenter de percevoir des odeurs à l’aveugle mais pour s’entrainer autant prendre le temps de décrypter ce que l’on s’apprête à boire. 70% du travail selon moi (chiffre qui sort complètement de nulle part) réside en la connaissance du produit. Un vin de la région de Bordeaux, un whisky d’Islay ou un Bourbon américain vous donnent déjà de précieuses informations. Les terroirs, les cépages et les environnements des trois exemples est très différent et donne des saveurs qui le sont tout autant. L’un sera fruité et rond, le second terreux et fumé et enfin le dernier épicé et boisé. Ces goûts, très généraux, donnent une définition vague des produits, je vous l’accorde, mais cela oriente quand même vers un vocabulaire lui plus précis.

Cette connaissance est d’autant plus poussée quand vous prenez le temps de bien lire la bouteille et je n’entend pas par là de forcément lire le texte marketing au dos. Des informations telles que les suivantes peuvent vous orienter :

  • Le vieillissement : quel type de fût, sa contenance, son essence de bois, est-il vierge, brûlé ou de second remplissage, le temps passé dedans…
  • Le « finish » : certains produits retournent en fût (entre 6 et 12 mois) d’ex rhum, bourbon, porto, chardonnay, il peut même y avoir plusieurs finish successifs.
  • Le degré d’alcool : en sortie d’alambic on est vers des 70° ou plus, la réduction permet d’obtenir des taux plus « raisonnables » vers les 40° mais enlève aussi pas mal de saveurs très franches. Testez des bouteilles « bruts de fûts » ou « cask strengh » vous identifierez plus nettement les odeurs.
  • L’origine géographique : on l’a évoqué juste avant mais le pays voire la région est une variable importante (si ce n’est la plus importante) pour savoir de quoi parler.
  • La distillerie : ça peut paraître bête mais certaines distilleries ont une vraie signature olfactive. Bon nombre de consommateurs de tourbé d’Islay ont une distillerie qu’ils préfèrent, personnellement j’aime les odeurs des Laphroaig et Ardbeg.

Je n’inclus volontairement pas la couleur de l’alcool présent dans votre verre car, si cela est de moins en moins le cas, des colorants peuvent être présents dans certaines bouteilles. Alors ce ne sera pas fluo, bleu ou rose mais parfois, des teintes caramels peuvent venir booster une robe un peu pâle pour plus de gourmandise. Attention donc à ne pas vous faire avoir.

L’oenologie à la maison avec :
Le nez du Bourbon et American Whiskeys

Dernier nez des Éditions Jean Lenoir, cet opus fait suite aux excellents Le nez du Whisky et Le nez du Vin, deux ouvrages de référence en la matière. Ces éditions très complètes sont souvent utilisés par des professionnels mais si vous avez des amis ou une famille très sympa, je vous invite à vous les faire offrir.

C’est quoi déjà le Bourbon ?

Dans un format plus raisonnable et transportable, Le Nez du Bourbon et American Whiskeys vous embarque à la découverte de ces jus du Nouveau Monde en 12 flacons. Préfacé par Chris Morris, le maître distillateur de Woodford Reserve (l’un des bourbons les plus emblématiques) et co-écrit avec The Whisky Couple (Hans et Becky Offringa), l’éditeur s’est consacré à identifier les « grandes » notes olfactives que l’on retrouve dans nos Bourbons à savoir : miel, rose, feuille de tabac, cerise, orange, chêne, amande grillée, caramel, vanille, cannelle, menthe et poivre noir, tous classés en familles sur une roue des arômes (fournie également).

Comment se servir de ce livre-objet ?

L’idée de base derrière Le Nez du Bourbon et American Whiskeys est de vous aider à mettre des mots sur des odeurs. Comment ? En s’entraînant ! Soit par le biais de dégustations croisées (vous cherchez à identifier un arôme contenu dans votre verre) soit (et c’est comme ça que je l’utilise) en mode « jeu de société ». On prend chacun 6 flacons au hasard et on tente de retrouver de quoi il s’agit. C’est ludique, récréatif et on apprend en s’amusant comme dirait une mauvaise pub de jouet pour Noël.

Pattar, entre vodka et whisky

Pour découvrir Pattar, il faut traverser la frontière pyrénéenne et partir à la rencontre des deux compères : Jose Luis Navarro et Carlos Ortiz Zarate, fondateurs de la distillerie Basque Moonshiner.

Deux vrais passionnés, fiers de leur bécane, un alambic hybride, à la fois capable de produire des vodkas de grande qualité grâce à une colonne de rectification à 16 plateaux mais tout aussi en mesure de fonctionner comme pot still pour produire des eaux de vie plus riches.

Deux esprits contrebandiers à l’instar des Moonshiners américains en pleine époque de la prohibition, contraint de distiller au clair de lune afin de pouvoir échapper aux autorités. C’est d’ailleurs en hommage à un de leur grand père (distillateur clandestin sous le régime franquiste) que Jose Luis et Carlos ont lancé leur première vodka : Basmoon. Une vodka 100% issue de pomme terre d’une incroyable rondeur en bouche.


Mais revenons à nos moutons et passons désormais à Pattar.

Pattar, c’est tout simplement une vodka élevée 30 mois en fût de Rioja & fut de Bourbon. De quoi obtenir une belle sucrosité et rondeur en bouche offerte par le tubercule tout en surfant avec les aromatiques riches et complexe d’un whisky.

Au nez, on mêle notes vanillées du Bourbon, notes terreuses « trahissant » la pomme de terre et arômes légère fumé.

Un vrai whisky qui n’en est pas un ! Et qui saura sans doute séduire les amateurs de rondeurs et de sucrosité.