C’était en 198., aux confins de la baie de Douarnenez (29). Je me rappelle encore du sourire satisfait de mon cousin me tendant un demi à la mousse violette. Il avait pêché ça en Angleterre. Il a scandé : « Snakebite ! Lager, cider, blackcurrant ! ». Dans nos verres la traduction était simple : bière, cidre et crème de cassis. Dans nos têtes par contre, c’était assez vite Trafalgar. Ce truc nous a fait notre été !
2018, Mérignac (33) – Mathilde et Jocelyn de l’Effet Papillon viennent tout juste de sortir une série éphémère de 4 bières brettées en barrique qui a trouvé assez vite son public. La quatrième édition du BLIB s’achève à peine et la collaboration avec la brasserie portugaise Oitava Colina est en bouteille.
A l’autre bout de la France, Thomas (The Beer Game), dont j’alimente régulièrement le vice à coup de Colissimo, est de plus en plus client de la jeune scène brassicole bordelaise.
C’est donc naturellement qu’un projet de collaboration triangulaire est évoqué. L’idée de dépoussiérer ce vieux cocktail d’étudiant soiffard à la bizarrerie « old school » fait assez vite l’unanimité.
Thomas s’occupera du graphisme et de la communication, Mathilde des commandes et de l’étiquette, Jocelyn et moi de la recette et de sa mise en oeuvre.
Fermentation mixte sur pomme et cassis
Qu’on se rassure, de la bière a coulé sous les ponts depuis les années 80. On a passé l’âge de mixer les alcools au nom de l’irremplaçable expérience de l’explosion de la tête. La base céréalière sera donc légère (malt d’orge clair et malt de froment), l’amérisation anecdotique (houblon Magnum à faible dose) et la fermentation primaire plutôt standard, sur levure de bière sèche (BRY-97 de chez Lallemand).
C’est après que ça devient funky ! En fin de fermentation primaire on réensemence avec une souche sélectionnée de levure sauvage (brettanomyces claussenii – WLP645 de chez White Labs Yeast) que l’on booste via un apport, en fermenteur, de jus de pommes et de purée de cassis. Pas d’affinage en barriques pour cette recette mais ce ce pourrait être une option future.
Vous connaissez l’adage : le brasseur fait le moût, la levure fait la bière. L’idée est par conséquent de laisser la brettanomyces prendre le dessus sur la levure de bière (saccharomyces cerevisiae) et d’apporter ainsi plus de mordant et de complexité au brassin : un surcroît d’alcool, une acidité rafraîchissante et des notes évoluées façon cidre fermier.
Snakebite my Lord !
Brassage à 4 mains
Le 31 octobre dernier, 8 h du matin, temps de Toussaint pour double brassin. On est proche de la centième pour la salle de brassage de 15 hl. Le fermenteur de 30 hl attend qu’on le remplisse en deux temps. Pas d’autre choix que de s’enquiller une journée de 10 à 12 h !
Jocelyn est un brasseur précis, organisé, bien rodé. On bosse mais c’est cadré. C’est super agréable. Toujours des trucs à apprendre, des idées à échanger. Premier empâtage fluide. 300 kg de malt seulement, rien de dingue. Une filtration à suivre sans heurts non plus. Dédréchage pendant l’ébullition. Et hop à peine le temps de déjeuner et c’est reparti pour le deuxième. Ça roule tout seul, ou presque.
A 19h la future bière est en cuve, le nettoyage est terminé et on trinque à la collab. Un peu rincés tout de même mais super contents d’avoir enchaîné les brassins n°97 et n°98 dans un temps raisonnable et persuadés que le meilleur reste à venir. La magie se jouera désormais derrière ces parois d’inox et, nous l’espérons, dans vos verres !